Le moulin de Grivesnes, son récit autobiographique...


Vestiges du moulin de Grivesnes
Aujourd'hui je suis un tas de briques et de terre, témoin silencieux du passage du temps. Jadis, j'étais un moulin, à quelques mètres d'un village situé au sud-est d'Amiens du nom de "GRIVESNES". Ce lieu, empreint d'histoire, a vu défiler des générations et le tumulte des jours. À présent, je repose ici, humble vestige d'un passé révolu, veillant encore sur les mémoires oubliées de ceux qui ont foulées ces terres.
Nous les moulins à vent, nous sommes plus connus sous le nom de moulins-tours. Nous sommes des structures qui utilisent la puissance du vent pour moudre le grain en farine. Nous sommes principalement composés d’une grande tour en forme de cylindre avec des pales que l’on appelle aussi ailes, qui tournent et capturent l’énergie éolienne.
Nous datons de l’Antiquité et nous sommes devenus populaires en Europe à partir du Moyen-Âge et plus particulièrement aux Pays-Bas. Malheureusement notre utilité économique a diminué mais nous sommes – je l’espère toujours – appréciés pour notre patrimoine historique et nous avons influencé le développement de l’énergie éolienne moderne.


Moulin de Grivesnes - La Somme à l'âge d'or de la carte postale, Daniel DELATTRE, 2012 p. 112
Je suis, comme je vous l’ai dit précédemment, situé entre Cantigny et Grivesnes, sur la route départementale 26. Grivesnes est un petit village situé au Sud-Est d’Amiens.
Celui-ci, comme de nombreux villages, villes et régions pendant la Première Guerre mondiale, a été fortement impacté par le conflit. Il se trouvait dans la zone proche du front occidental, appelé aussi le Front de l’Ouest.
Grivesnes a été occupé par les forces allemandes et a subi des dégâts et des destructions causés par des combats et des bombardements.
La population a dû faire face aux conséquences de l’occupation allemande : réquisition des vivres, de matériaux et de main-d’œuvres.
Les habitants ont été contraints de quitter leurs foyers pour des raisons de sécurité et de survie.
Grivesnes en première ligne

Montdidier - Grivesnes Mars-avril 1918, Bruno Jurkiewicz, 2011, p 47
Les Allemands doivent progresser vers l’ouest en direction d’Ailly-sur-Noye. Grivesnes est au centre des combats car les Allemands sont obligés de prendre le village afin d’empêcher les renforts français de se diriger vers Amiens.
Grivesnes : le verrou de la guerre

Grivesnes après la Grande Guerre - La rue de Montdidier - Cote 8FI5639
- Archives Départementales de la Somme
Sur le front de l'Ouest
Le 31 mars 1918, jour de Pâques, Grivesnes fut le théâtre de violents affrontements. La Garde Impériale allemande, déterminée à ouvrir une brèche décisive pour atteindre Paris, se heurta à une résistance héroïque. Les combats, d'une intensité rare, se déroulèrent maison par maison, jardin après jardin, et même cave par cave, jusqu’au corps-à-corps.
Une poignée d’hommes, retranchés dans le château, tint sa position avec courage jusqu’à l’arrivée des renforts venus du Plessier. Ces derniers réussirent à couper la route vers Amiens, mettant un coup d’arrêt à l’avancée allemande. Depuis le château de Septoutre, Georges Clemenceau, surnommé "le Tigre", observait avec attention le déroulement de cette bataille décisive. C’est ainsi que Grivesnes gagna son surnom de « verrou de la guerre ».
Les conséquences furent cependant tragiques. De nombreux soldats tombés au combat furent enterrés sans cérémonie, et le château, alors entouré d’un parc, subit un véritable déluge d’obus, endommageant gravement ses structures. Les combats se poursuivirent jusqu’à la fin de la guerre, notamment dans le secteur des carrières, laissant le village en ruines. À l’issue du conflit, Grivesnes était considéré comme largement détruit, un témoignage poignant des horreurs de la Grande Guerre.

Les batailles de la Somme, Marcel Carnoy et Jean Hallade (guides Historia /Tallandier), 1988, p 42

Ruines du moulin de Grivesnes - Cote 2PHO2855/1 – Archives Départementales de la Somme
Moi le moulin de Grivesnes, surnommé aussi « le moulin de la Folie », je me trouvais dans cette zone d’affrontements meurtriers. Et malheureusement ma vie a pris fin en 1918, car oui, j’ai été détruit durant l’offensive de printemps lors des combats de Mars/Avril 1918.

Aujourd'hui, il reste de moi qu'un amas de vestiges silencieux. Désormais, vous connaissez mon histoire et une partie de la commune qui m’a vu à la fois émerger de la terre, avant de tomber lors de la Grande Guerre.
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